Géographies

Revue aires, numéro 3, Octobre 1986,  64 pages, 8 €.
Avec Dominique Simoni, Ariane Freyfus, Jacqueline Naba, Hubert Lucot, Catherine Weinzaepflen, Abdelamir Chawki, Dessins de Bracha Ettinger. 
extraits
 
Le fleuve a dit:  
- où as-tu croisé mes flots ?  
Moi, pareil à la comète cherchant refuge sur terre  
à la main qui tâte la lumière  
je hisse la source sur un remous  
je creuse les jours 
 
 
Abdelamir Chawki, Paroles du fleuve.
 


 
A Bernard Waller,  
mon ami depuis toujours.  
A Anne-Frédérique Marquant,  
dite ici Anhérik,  
ma "belle-fille, l'une des âmes (lumière fusil)  
de mon livre Simulation, livre dont les combinaisons  
(non systématiques) ouvrent depuis des anecdotes  
(dont j'ai conservé dans cet "extrait" l'émotion inexplicite)  
à l'Universel que je DÉSIRE.  
 
 
Hubert Lucot, Géographies d'états persistants vers le bord de l'eau.
 


 
Senteurs - à plein visage les reçois  
m'y berce, m'y verse, yeux clos, étale  
oubli. Le monde n'est plus  
rien que les odeurs, et ces lumières  
éclatées à l'écran des paupières.  

Je marche nu-pied dans l'herbe,  
pour ce contact subtil qui me ressource.  
Ce matin, j'ai ramassé deux plumes, il y a  
des buses par ici. Entre la sagesse de l'herbe  
et l'erre de l'oiseau, en moi se fait un étrange  
partage, oscillation sans fin.  
 

En solitude, je demande à prendre pleine mesure de cette  
liberté qui n'est surtout pas pouvoir sur moi-même mais  
errance.  

Ai-je vraiment voulu m'enraciner ? Les vents me parlent  
plus que les arbres. Et de ceux-ci, j'aime à dessiner le plus  
mouvant, le pin qui se tord et s'étale.  
  

Pourtant...  

Il est un chant étrange, que seule je ne puis retrouver. Il me  
faudra brûler des images terreuses, brumes de marais et  
bois pourri, nostalgie d'une enfance où il faisait soif. C'était  
le chant de l'haliotis et de la marée sur la dune, violence nacrée;  
c'était le chant de l'hibiscus dénué d'odeur.  
  

J'ai conscience de fausser le poids  
des mots. Je ne suis pas sûre de  
vouloir encore cette région de terres  
rouges où vous ne seriez pas.
La quiétude crée dans l'instant une impatience; rien ne  
bouge assez. Mais peut-on requérir les transhumances  
d'autrefois et d'ailleurs, la sécheresse des drailles ?  
Là-bas, sur le plateau où nul ne tend plus de harpe  
éolienne, qu'y a-t-il encore à voir, à pétrir ?  

Tresser un panier d'herbe s'apprend-il mieux que  
le vivre des carriers du verbes ?  

C'est l'heure où la nuit s'installe dans du mauve. La ville  
se calme. Quelques oiseaux tournoient encore. J'aime ce  
presque silence, fait d'appels en suspens. Ma lampe, une  
ampoule nue, se reflète dans la vitre sur fond de ciel. Le  
plafond est aboli.  

Effet singulier que cette lumière accrochée à rien qu'à la nuit tombante.  
 
 

Dominique Simoni, Suite en douce.
 
 


 Page créée en Avril 1999 (commentaire?) pour la revue aires.